C’est la première fois que je m’aventure dans cette partie de l’île. La forêt qui s’y trouve est immense et plate, seuls les arbres, très espacés, viennent à un moment nous bloquer l’horizon. Et quelque part dans cette vaste étendue de chênes, de frênes et de châtaigniers, j’ai trouvé un rocher trônant entre les arbres, comme un affront à cette forêt, unique élément minéral érigé au beau milieu de cette assemblée végétale.
Assis à trois mètres du sol sur ce singulier caillou depuis un moment, je déguste un repas frugale de viande séchée tout en réfléchissant à ce que je ferais ensuite. Le Foire s’est terminée il y a quelques jours et je suis repartis de mon côté. La solitude, ma concubine éternelle, ne me semble plus aussi désirable qu’avant. La vie au camp a sans doute créé en moi une quelconque dépendance sociale, si bien qu’il me manque une présence, un bruit de fond. Le calme est souverain dans cette forêt et c’est à la fois reposant et perturbant. Pas de prédateur visible. Sans doute préfèrent-il des endroit moins plats, plus prêt des terriers de leurs proies. Le léger courant d’air qui me balaye le visage est identique au courant d’air que je ressentais sous la porte du camp, un espace étroit où s’engouffrait l’air de la plaine, offrant un léger vent frais aux soldats en faction.
Au loin devant moi, je distingue une vague forme, animale sans aucun doute. Elle file à vive allure, s’arrêtant quelques secondes de temps en temps pour humer l’air et choisir une direction. Visiblement, quelque chose la suit. J’observe l’animal qui se rapproche petit à petit, ne semblant pas s’apercevoir ou s’émouvoir de ma présence. Plus loin, derrière la créature, j’entends un léger sifflement. Un bruit sec retentit au niveau de l’arbre à quelques centimètres d’elle. Ma récente expérience acquise sur le champs de bataille me permet d’identifier immédiatement ce bruit, celui d’une flèche qui fend l’air avant de se planter dans un obstacle, probablement un tronc d’arbre.
L’impact effraie la créature qui se dirige maintenant droit sur moi. Assez vite je m’aperçois qu’il s’agit d’un cerf que je devine assez jeune compte tenu de la taille de ses bois. Arrivé à quelques dizaines de mètres du rocher, le prince des bois se fige et me regarde. Il semble cherche une échappatoire entre l’archer qui se trouve derrière lui, et moi, qui n’ai pourtant aucune envie de chasser un cerf. L’instant d’hésitation est de trop et une flèche se plante dans la patte du cerf qui sursaute et tente de s’échapper. Mais sa vitesse est très largement amoindrit et l’archer réduit la distance qui le sépare de sa proie. Il marque une pause et une seconde flèche atteint la bête au flanc. Elle fait encore quelques pas et d’effondre. Le tireur se rapproche prudemment, prêt un décocher un nouveau projectile. La respiration du cerf est rapide, il tente de tourner la tête vers son bourreau mais même cet effort semble trop difficile. L’archer continue de s’approcher doucement, s’attendant presque à ce que le cerf se relève et la charge. Mais le triste sir est a bout de force et le chasseur, maintenant à genou derrière la tête, l’achève d’un coup de dague.
Du haut de mon perchoir, je m’attend à ce que le chasseur débite sa proie et s’en aille avec quelques morceaux, mais il tire un flèche sur un arbre proche à quelques mètre de haut. A cette flèche pendent un fanion de couleur vive et une cordelette. Puis le chasseur repart dans la direction d’où il est venu, laissant là sa proie.
Voyant le jour décroître à l’horizon, je sais que ne je n’atteindrais pas la civilisation avant une heure tardive, aussi je décide de camper sur place. J’arrange un feu rudimentaire, plus pour éloigner un quelconque prédateur que pour réellement me tenir chaud, les nuit d’été étant bien assez étouffantes. Je ne sais plus vraiment ce qu’il s’est passé après ça, sans doute me suis-je endormi.
A suivre…