Il faisait très beau, le soleil frappait ces véhicules tous plus étranges les uns que les autres. Ce temps n’était pas seulement propice à la course, mais tout bonnement indispensable, les voitures alignées sur la grille de départ étaient en réalités des engins solaires munies chacun d’une surface plus ou moins grande de panneaux photovoltaïques.

Nous avions tous l’impression que les secondes s’égrainaient de plus en plus rapidement à mesure que l’heure du départ approchait. Chaque équipe procédait aux dernières vérifications, pression des pneus, fonctionnement des freins, télémétrie pour certains, gri-gri pour les autres. La sonnerie des deux minutes avant le départ résonna sur la grille, signalant aux techniciens qu’il fallait évacuer la piste. Je donnais encore deux tours de clé pour assurer le maintient des câbles électriques dans leurs branchements, cette faiblesse était apparue un peu plus tôt dans la matinée lors des tours d’échauffement. Si l’un de ces deux câbles lâche pendant la course, nous perdrions notre alimentation principale et la victoire du même coup.

Le compte à rebours est donné, chaque pilote est dans sa voiture, sanglé, casqué. La température moyenne dans ce genre de véhicule dépassant souvent les 40°C, il avait été indispensable de prévoir un système d’hydratation pendant la course, cela avait comme inconvénient principale de ne pas pouvoir parler au pilote car il gardait la durite d’eau en permanence.

Les voitures s’élancent sur la piste. Le concurrent le plus sérieux, avec une voiture rouge très légère avec un pilotage tout électronique reste à l’arrêt. Le pilote a foiré l’initialisation des commandes et a grillé la carte mère du véhicule. Si la consommation du véhicule est optimisé au petits oignons, il n’en reste pas moins qu’elle multiplie les sources de panne. Sans pièce de rechange, la voiture est évacuée de la piste, l’équipe est disqualifiée.

Nous entamons le 20ème tour de piste et nous sommes second derrière le « cigare allemand », une voiture très basse et complètement plate sur le dessus, tout en armature métallique. Les véhicules se talonnent, prennent des risques pour creuser ou réduire l’écart. L’équipe technique est répartie à sur la pistes à des endroits stratégiques. De mon poste, j’aperçois notre bolide s’approcher, le pilote entame le rond point avec hardiesse témoignant de l’assurance prise tour après tour. Devant lui, je vois le pilote allemand souffrir dans sa serre sur roulette, son véhicule étant complètement transparent. Le virage n’est pas abordé comme il faut et son véhicule manque de frotter le trottoir, mais il est plus rapide et plus maniable, et déjà les deux engins s’éloignent dans une ligne droite. Après celle-ci, un rond point pour faire demi-tour et le retour dans l’autre sens sur l’autre voie.

Quelques minutes après, j’aperçois au loin deux points brillants revenir vers moi. Le demi-tour sur rond-point est l’obstacle ultime pour notre voiture qui est très lourde et peu maniable. Heureusement, nous compensons pas une très bonne autonomie. Nouvel obstacle et les prototypes s’éloignent de nouveau pour terminer le tour de piste.

Assis à l’ombre attendant les instructions, je vide ma bouteille d’eau tiédie pas la chaleur ambiante. Le talkie-walkie grésille, c’est mauvais signe. Une chambre à air n’a pas résisté à la chaleur et notre voiture est s’immobilise sur le côté tandis que notre rival s’envole vers la victoire.

Nous n’avons pas de quoi faire une rustine efficace par cette chaleur et notre dernière chambre à air est partit durant les éliminatoires. Par désespoir, je me précipite sur le stand de la voiture rouge pour demande de l’aide et le chef d’équipe accepte de nous dépanner. Ce n’est pas la première fois que nous les rencontrons sur les circuits et nous avions eu le temps de sympathiser.

De retour sur la piste, mes collègues avaient entrepris de démonter la roue tandis que le pilote se reposait un peu à l’ombre. Le temps de regonfler, nous commencions tout juste à remonter la roue quand le véhicule allemand revient à notre hauteur, le pilote sort une main et nous félicite avec un pouce levé.

Notre voiture repart à l’assaut de la piste avec un peu moins de deux tours de retard sur l’équipe allemande.

Nous ne terminerons jamais ces deux tours, mais malgré cette deuxième place, cette course restera un des plus beau souvenir de mes études.

heliosol

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