La station de métro diffusait une petite musique d’ambiance, des musiques sur lesquelles Edith Piaf aurait pu chanter. Sans m’en rendre compte, j’ai commencé a siffloté, innocemment dans cette station de centre ville, désespérément vide en ce lundi soir.

Je venais de quitter un ami et sa copine. Après une soirée ciné et une heure d’attente pour le livreur de pizza, j’avais dû avaler ma part en quelques minutes et filer… la peur de déranger sans doute. Cela dit, je pouvais dormir sur place, mais étant à quelques arrêts de métro de mon domicile, le retour, même en pleine nuit, était plus simple pour tout le monde.

J’entend quelques voix dehors, un homme descend et cherche en vain un ticket usagé qui passerait encore dans les bornes. Il se résout à attendre qu’une personne passe pour frauder. Sur le quai d’en face, je remarque une jeune fille qui a du arrivé durant ma contemplation du fraudeur en quête de son titre de transport presque pas périmé. Ma vue se trouble. Bien sur, même si la jeune fille est très agréable à regarder, je mets ce problème de vision sur le compte de deux paramètres, premièrement, je ne suis pas sobre, et ensuite, je viens de poser mes doigts encore un peu graisseux de l’huile de pizza sur les verres de mes lunettes.

Sans mouchoir, j’ai été obligé de sortir le t-shirt de sous le pull, lui-même sous le manteau pour essuyer les lunettes… même si c’est chauffé, une station de métro en plein hiver, ça caille.

En face, un individu louche (c’est le mot le plus approprié) s’est assis sur le banc. Il ne bouge plus d’un cil, tel la momie de Rascar CapaC dans « Tintin et les sept boules de cristal ». Il a une allure inquiétante avec son visage dissimulé sous une grande capuche.

J’entends la rame arrivée, avec ce sifflement caractéristique d’un objet à grande vitesse dans un petit tube en train de freiner. Elle est presque vide. Je jette un coup d’œil rapide à la jolie jeune fille, elle n’est plus là. Le métro est passé.

La population du wagon est très cosmopolite. Un noir au fond du wagon qui écoute de la musique sur son baladeur, une jeune maman qui berce son bébé dans ses bras. De l’autre coté, un groupe de jeunes asiatiques qui parlent dans une langue inconnue, des étudiants sans doute, au moins l’un d’entre eux, avec le sac de la faculté du coin. En face de moi, deux hommes, la cinquantaine approchante. L’un est assez grand, chauve, l’autre plus petit presque chétif. Sous le coude du plus grand, dissimulé dans les plis du pardessus, leurs mains sont jointes. Ils se cachent. Je fixe la seule chose les trahissant. Le petit me regarde, aucune expression, ni de peur, ni de joie, stoïque. Enlever sa main se traduirait par une honte, et ce sera sans doute mal perçu par son ami.

Je re-re-re-siffle du Edith Piaf, j’en aurais jusqu’à chez moi si je ne trouve pas autre chose. Mon baladeur faisant une grève de sa batterie pendant que je fais la grève de la recharge de batterie, je vais essayer de changer de registre.

Soudain, un appel sur le quai, quelques personnes qui courent. Un individu (d’aspect inconnu puisque je tourne le dos au quai) hèle un certain « Momo ». Le petit homme devant moi baisse les yeux tandis-que son compagnon lâche un soupir « Ha ben ca commence ». Lui il est face à l’individu bruyant, mais ce dernier monte dans le wagon suivant.

La sonnerie de départ résonne, des bruits de pas de course aussi. Quatre personnes se précipitent dans la rame, une jeune fille et deux jeunes [hommes] montent et bloque la porte. La quatrième personne monte difficilement en se glissant entre les deux battants. Fou rire de la petite bande. Rien d’autre ne se passera durant le voyage.

Je sors de la station et débouche dans le centre commercial. Et je débouche sur le visuel du fameux Momo et de ses deux complices. Style blaireaux, avec des vestes ultra « faicheune » que je trouve juste horrible. Ce genre de veste qui me fait penser à quand Marty Mc Fly retourne dans le passé : « Vous êtes garde côte ? ». En plus ça gueule comme un caniche à qui on met un coup de pied. « He mec, on s’est planté de station, fallait descendre à P********. Je regarde le panneau en gros en dessus de sa tête (face à lui) : P********.

Laissant les trois analphabètes à leurs déboires géographique, je change d’allée, tourne a droite, encore à droite, petit virage serré sur la gauche, chicane à travers les portes automatiques, je longe la rue, traverse le square complètement pourri avec des bassins asséchés depuis plusieurs années, une fontaine à sec.

La ville dort, je m’en vais faire de même.

2 thoughts on “Sur le retour”
  1. Une scène de vie, c’est comme un arrêt sur image ou encore une photographie prise sur le vif. On est parfois, comme ça, le témoin plus ou moins fortuné d’évènements anodins et ça nous remplit.

    D’émotions.

    Et c’est ça, la vie, n’est-ce pas ?

    Bon retour alors ! ^^

    -Cc

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